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vraie histoire / rebecca topakian

Rebecca Topakian aborde l’identité par une mise en abîme du moi et du lui-même. D’une révélation de l’unique dans l’identique, de l’individu dans le collectif. Sa démarche interroge la co-écriture dans l’espace et dans le temps des diverses formes d’expression de ces deux entités : comment l’individu trouve sa place dans un rapport au monde le dépassant ? Car pour l’artiste, l’identité est une réalité concrète qui se manifeste dans un contexte dépendant de sa formation. Il s’agit alors de porter une attention particulière aux latences du geste qui, dans un abandon du corps, un soudain laisser-aller, divulguent les caractéristiques de ses possibles définitions. S’exhibent les différences, s’émeut la ressemblance. Le « je » oscille alors parmi un « nous » pré-narratif et constitutif de l’individu. Une extrémité qui est le lieu de la reconnaissance et de l’appartenance, d’un rapport à soi par et via les autres où s’endure peut-être l’identité dans le propre de son élaboration. Pour Rebecca Topakian, cela s’effectue à travers une enquête sur sa famille et ses origines arméniennes. Son nom se meut ainsi en une géographie mémorielle dont la traversée équivaut à une reconquête identitaire, par le biais d’un travail documentaire sur les archives familiales. L’artiste entame la reconstruction d’un récit aux parties manquantes, s’étant substitué à une identité fondée sur ce dont il faut avant tout taire le nom. Un passé reconstitué sur les ruines d’un présent aux bords d’un double évanouissement, par celui des corps et de la nomination. L’image photographique devient dès lors le lieu possible d’une conciliation de la mémoire et des souvenirs, là où, par sa matérialité et son extériorité visuelle, se projettent et se raccrochent les espérances. À la croisée de la fiction et de la réalité, l’histoire vraie devient une vraie histoire, un récit qui, dépassant le figé et l’authentique, élabore sa propre structure de rétablissement de la vérité. La dialectique spatio-temporelle qu’implique ce basculement conceptuel organise ce que l’artiste conçoit comme une grammaire visuelle de la concordance des temps. Une manière pour Rebecca Topakian de travailler à une narration non linéaire, complexe et intrinsèque à sa pensée, qui se fonde sur la combinaison infinie des références.

 

Diane Der Markarian

 

Site de l’artiste Rebecca Topakian