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tableaux 2000-2020 / corentin canesson

Exposition à la galerie Sator, Paris | 08.11-20.12.2020 

Cela fait vingt ans que Corentin Canesson peint. Très bien, c’est merveilleux, félicitations. Mais, une question se pose : pourquoi devrions-nous nous y arrêter ? Pourquoi cet état des lieux du même ? Car, depuis vingt ans, l’artiste peint la même peinture, et d’ailleurs le confesse volontiers. Tout comme son rapport décomplexé au médium, qui oscille entre des influences et des reprises évidentes. Au lieu de n’y voir qu’un travail de la référence, il faut envisager l’oeuvre dans sa référence, voir la peinture avant son art. Discerner que l’appropriation de ce renvoi artistique jouit d’une liberté expressive singulière, unique. L’oeuvre, par son instance répétitive et protocolaire, se soustrait de ses citations d’un point de vue temporel et contextuel. Se veut autre. Dès lors, loin de n’être qu’une déclaration de mise en retrait, le titre de l’exposition « Tableaux 2000-2020 » devient une médiation intrahistorique subtile. Car cela ne fait pas vingt ans que Corentin Canesson peint la même chose. Mais vingt ans qu’il met à l’épreuve une peinture assujettie à elle même et à ses obsessions. D’une division fond/forme, d’une opposition abstraction/figuration, d’un rapport mot/ image, entre autres. La peinture serait-elle alors ancrée dans une autonomie régénératrice? Comme une bulle statique indifférente au reste, à la lisière de son propre écoeurement. Par la multiplicité de ses supports, l’excès de ses matières et son aliénation aux images. Corentin Canesson nous rappelle donc que la peinture est avant tout un tableau, où s’articulent des espaces structurés et se répand la matière colorée. Un lieu de sédimentation du geste, entre le dire et le faire peinture. Par cette exposition, l’artiste s’accorde, tout comme à nous, une prise de recul pour regarder dans un autre cadre ce qui a été déjà entrepris et partiellement achevé. Une respiration qu’il nous faut saisir comme la potentialité d’appréhender à nouveau nos capacités de perception, de compréhension et de jugement critique. Celle de savoir se risquer à l’histoire de la peinture au même titre que Corentin Canesson se risque à l’écriture de son récit.

 

Diane Der Markarian

English below:

Corentin Canesson has been painting for twenty years now. Great, wonderful, congratulations. But a question has to be asked: why should we stop now? Why this survey of sameness? For twenty years, Canesson has been painting the same painting, something he readily acknowledges, along with his unburdened approach to the medium which navigates between highly visible influences and references. But rather than seeing a practice based on reference alone, Canesson’s oeuvre must been apprehended through this referentiality: his painting must be seen before his art, his appropriation represents a unique and singularly expressive form of freedom. In its dogged repetition and adherence to protocols, his work steps beyond its references in temporal and contextual terms, and tends towards something else entirely. In this context, far from being a declaration of retirement or withdrawal, this exhibition’s title –“Paintings 2000-2020”– suggests a subtle intrahistorical meditation. Canesson has been painting the same thing for twenty years, but these twenty years have been spent exploring painting on its own terms and its own obsessions. The distinctions between ground and field, the opposition between abstraction and figuration, the relationship between word and image, amongst others. Does painting here attain a kind of regenerative autonomy? Like a static bubble indifferent to all else, flirting with its own disillusion, through the multiplicity of its surfaces, the excess of its materials and its alienation from images. In this way, Canesson reminds us that painting is above all else a canvas, where structured spaces are articulated with coloured materials. A site where gestures are overlaid with one another, between discourse and an emergent painting. Through this exhibition, Canesson allows himself, allow us, to step back in order to see differently what has already been undertaken and partly completed. A breathing space that must be seized upon as offering the potential for a new conception of our powers of perception, understanding and critical judgment, a potential that invites us to give ourselves over to the history of painting just as Corentin Canesson gives himself over to the writing of his story.

Diane Der Markarian

Site de la galerie Sator